Gabriel et le corbeau - GF Spencer 10/2019
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Au sommet d’une croix ne portant point martyr
Discourait un corbeau de son air scélérat
« Un crucifix de bois et même pas soupir !
A quoi sert cette stèle si ce n’est au trépas ? »
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Jacassait-il sans cesse en battant de ses ailes
Sifflant ainsi son ire aux seigneurs de ces lieux
Aux anges et abbesses compagnons de chapelle
À Jésus, à Marie peut être même à Dieu.
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Bel oiseau de malheur ! intervint Gabriel
Nul en ce lieu béni ne veut croire en tes dires
Il n’y a point d’honneur à défier le ciel
N’es tu venu ici que pour te faire maudire
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Car je sais qui tu es sous ton costume sombre
Toi qui guidas Noé vers la terre promise
Tu n’es point plus mauvais que le serait mon ombre
Et que ton saint souhait est d’oublier l’église
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Ton âme de premier te fut léguée par Dieu
Sauveteur de la terre et héros des vivants
Tu ne peux que prier et remercier les cieux
Pour avoir pu voler et affronter les vents
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D’autres êtres se traînent rampent ou ne voient guère
L’homme n’a que ses pieds pour aller et venir
Même fées et sirènes sont liées à la terre
Toi tu peux te jeter d’un sommet sans frémir
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Dis-moi quel est ton choix ô bruyant volatile
Effrayer les passants, croasser sur les tombes
Ou bien devenir roi et garder l’évangile
Te revêtir de blanc et jouer la colombe
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Au son de ces propos le vieil oiseau grinça
« il est bien peu prudent de vouloir l’impossible
Que jamais un corbeau le traitre jouera
Et que l’ange chantant peut bien garder sa bible !"
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« Et si Dieu m’a créé c’est qu’il me croit utile
Corbeau je grandirai car ainsi je naquis
Si je dois être laid ou bien noir suis-je vil ?
En corbeau je mourrai même sans paradis ».